Les Mercredis de Prigny

 

Araëlle, ce sont deux voix qui coulent ensemble et qui ont emmené près de 410 spectateurs ce mercredi 20 aout 2025, depuis l'Eglise Saint- Pierre des Moutiers vers les prairies de trèfles, les collines, les landes de « l’ile d’émeraude » :  l’Irlande, son histoire empreinte d’exils, de combats, d’amours contrariées par la guerre ou par la jalousie. 

Deux voix féminines pour incarner des femmes irlandaises

Dans leurs « ballades » en irlandais et en gaélique, Araëlle s'arrête de temps en temps pour recueillir des voix de femmes, celle de Mary résolue à épouser le soldat contre vents et marées, celle de « Mother », la terre originelle, celle de la fille de l’émigrant ( «  Emigrant’s Daughter ») :

"A poor emigrant’s daughter too frightened to know

Pauvre fille d’émigré, trop effrayée pour comprendre

I was leaving forever the land of my soul

Je quittais pour toujours la terre de mon âme

Amid struggle and fear my parents did pray

Au milieu des tourments et de la peur, mes parents priaient

To place courage to leave o’er the longing to stay

Pour m’apporter assez de courage pour partir plutôt que rester"

Pour recueillir également la plainte d’une jeune femme irlandaise (« Siúl a Rún » « Va, mon amour ») dont l’amant est parti à la guerre dans le contexte des « Wild Geese ». De jeunes soldats irlandais s’engagent dans les rangs français et catholiques pour combattre l’Angleterre et ses alliés protestants. La jeune amoureuse y exprime sa tristesse, sa fidélité et sa détermination à se sacrifier pour lui (vendre ses biens, mendier), avec un refrain en irlandais qui signifie « Va, mon amour ». C’est une ballade sur le manque et l’abnégation, insistant sur la douleur de l’absence et la volonté que son bien-aimé revienne sain et sauf.

Mais Araëlle relaie également des voix masculines irlandaises

Dans « The Star of the County Down », « Eleanor Plunkett », « She Moved Through the Fair » et « Raglan Road », Emmanuelle et Sarah prêtent leur voix à l’homme frappé, dès la première rencontre, par une beauté et une grâce qui le dépassent, et dont l’expérience amoureuse oscille entre espoir, admiration et mélancolie. Dans ces ballades, la rencontre se fait souvent de manière poétique, presque magique : un croisement furtif sur un chemin rural, au marché, sur une route de village ou dans une rue de Dublin. L’homme est saisi par l’apparition féminine qui devient une incarnation de l’idéal amoureux, une « étoile », une muse, un être quasi surnaturel ou inaccessible. 

Coup de cœur pour la Ballade de deux sœurs avec « Mother »

« Mother », le troisième morceau interprété par Araëlle, extrait de l’album éponyme, peut nous apparaître comme le morceau emblématique de la démarche artistique des deux jeunes artistes. Une ode lyrique et spirituelle à la mère ?  Mais qui est la mère ? 

La voix poétique qui s'adresse directement à la mère ("Mother, you bear our souls…") dans une forme de prière intime semble être la fille, ou l’enfant, qui célèbre la force, la générosité, et la spiritualité de la mère en mêlant gratitude et admiration. Les expressions ("my heart is yours", "I am a part of you") place la jeune fille à la fois dans une position d’héritière et de prolongement vivant de la mère.Toutefois, le texte brouille volontiers les frontières de l'identité à travers de multiples métaphores naturelles ("I am the wind", "I am the fire", "I am the mountain", "I am the white, the nameless angel"). La voix se démultiplie, s’incarne dans la nature, dans différentes forces ou états d’âme. Elle semble s’adresser autant à la mère qu’à la nature, et parfois même à elle-même.On retrouve ce jeu subtil des identités dans les harmonies créées par les deux sœurs : les voix se mêlent sans jamais perdre leur identité, et sans jamais entrer en conflit.

Le chant est porté par la voix d’Emmanuelle au timbre clair et souple, typique du folk celtique. Le phrasé est aérien, l’intention varie au gré des images poétiques. La voix « coule » délicatement, elle s’élève puis s’apaise en suivant l’évocation du vent, du fleuve, ou du saule pleureur.

Les harmonies de Sarah pointent délicatement dans les réponses vocales ou dans les doublages sur les refrains pour apporter une couleur tellurique et chaleureuse. Les temps de superposition des voix créent des surprises et surtout des frissons que de nombreux spectateurs ont confessé avoir ressentis. L’ensemble est soutenu par la harpe qui fait naitre l’émerveillement, la guitare qui feutre le texte, le bodhrán qui fait résonner la terre celte.

Araëlle poursuit sa tournée en France, et revient dans la région le 15 novembre à 20h30 au cinéma Lutetia de Saint Herblain. N'hésitez pas ! 

Asma pour l'équipe des bénévoles,

Photos et montage vidéo, Bertrand ; captation vidéo, Bertrand et Denis ; son et lumières, Alain.

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